De Nantes à Mumbai, l’aventure pédagogique de Thierry Fétiveau
Thierry Fétiveau, intervenant engagé, incarne l’esprit d’ouverture et de transmission qui anime l’ECV. Enseignant en design graphique et typographie à l’ECV Nantes, il accompagne les étudiants du Bachelor 3 au Mastère 2 spécialisés en design graphique. En 2024, il a été au cœur de l’échange franco-indien entre l’ECV et la Whistling Woods International à Mumbai, où il a encadré deux semaines de workshop immersif en Inde. Un an plus tard, en mars 2025, il a accueilli à son tour les étudiants indiens pour un second temps fort de l’échange à l’ECV Paris, orchestrant un programme pédagogique riche en rencontres et en création.
➜ En savoir plus sur l’échange franco-indien

Thierry Fétiveau | Intervenant à l'ECV NantesNotre métier, qu’on aime le web, la typo, l’illustration est un métier basé sur la curiosité, il est primordial de s’intéresser à beaucoup de sujets, de personnes, de cultures, pour enrichir ses connaissances et sa créativité. Et plus la culture est différente, mieux c’est. L’approche des indiens sur l’usage de la couleur par exemple, des motifs, le fait qu’ils vivent dans un univers multi-lingue et multi-scripts (plusieurs systèmes d’écriture) aide les français à voir le design d’un autre point de vue. C’est primordial quand on est designer que de savoir changer de regard sur les choses.
Immersion des étudiants de l’ECV à Mumbai
Quels étaient les objectifs pédagogiques du workshop en Inde ?
Le but était de faire découvrir aux étudiants de l’ECV l’Inde et sa culture en général. Et en particulier sensibiliser les élèves aux différents systèmes d’écritures en Inde qui sont nombreux : Hindi, Malayalam, Tamoul, Ourdou, Telugu, Gujurati, Odia… Le workshop portait sur la création d’affiches d’expressions populaires traduites en français, anglais ainsi qu’une langue indienne en s’inspirant de la culture vernaculaire de Mumbai.
Quels ont été vos premiers ressentis en arrivant à Mumbai avec les étudiants ?
Les ressentis en arrivant à Mumbai sont nombreux tant le contraste avec la France est marqué. Mumbai est une ville de 21 millions d’habitants qui concentrent à la fois le plus grand nombre de milliardaires et aussi le plus grand bidonville d’Asie ; Dharavi regroupant environ 1,5 millions de personnes. Donc ce qui marque dès le départ c’est à la fois le gigantisme de la ville avec son réseau routier saturé et d’énormes écarts de richesse. Puis évidemment beaucoup de choses ensuite attirent l’attention : les panneaux dans de multiples langues, les couleurs, les affiches, les tenues…

Qu’est-ce qui vous a marqué dans la manière de concevoir le design à Whistling Woods ?
Je dirai le temps. De ma modeste expérience, je trouve qu’en France et en Inde la notion du temps n’est pas la même. En Inde, on prend plus le temps, même à Mumbai. Le workshop était constitué d’un seul sujet étalé sur deux semaines mais accompagné de beaucoup de visites, de temps d’échange, de musées… C’était très important pour eux qu’on prenne du temps pour s’immerger dans leur culture. Et je pense que ça fait du bien en tant que français de prendre ces moments pour réaliser un bon projet.
Comment les étudiants français ont-ils réagi à cette immersion ?
Les étudiants français ont beaucoup appréciés leurs voyage, même si le choc culturel est important. Il y avait une très belle entente entre les étudiants français et indien. On a eu un accueil incroyable sur place qui fait qu’on ne peut qu’apprécier cette expérience. Assez vite les étudiant-e-s français-e-s se sont habitués à la vie là-bas. Tout les soirs quasiment nous sortions découvrir un peu plus la ville
Accueil des étudiants indiens en France
Comment s’est déroulée cette 2e partie de l’échange ?
Vu l’accueil que nous avions eu à Mumbai, l’ECV et moi-même avions à cœur de les accueillir le mieux possible. J’avais préparé deux workshops différents, avec des visites guidées des bords de Seine et de Montmarte, des visites de musées (Louvre, Orsay, Musée d’Art Moderne de la ville de Paris), des librairies (Artazart et Sans Titre), une visite de Black Foundry (fonderie de caractères typographiques)… Le programme était assez dense mais complet.
Pouvez-vous nous parler des workshops menés pendant ces deux semaines à Paris ?
Le premier worskhop consistait à créer un fanzine ou livret évoquant l’atmosphère d’une rue ou d’un passage parisien comme la rue des Rosiers ou la Gallerie Vivienne par exemple. Les élèves devaient aller sur place, prendre des photos repérer des éléments signifiant dans ce lieu : enseigne, architecture, ambiance, commerces, bars, type de population, histoire…Puis faire des mises en pages et des visuels à partir de ça. C’était donc l’occasion de découvrir Paris.
Dans le second workshop, les élèves devaient imaginer le nom et l’identité visuelle d’un centre culturel indien à Paris (un peu comme l’Institut du Monde Arabe ou la Maison du Japon par exemple). Pour ce faire les élèves devaient d’abord se rendre dans certains des nombreux instituts étrangers de Paris pour puiser l’inspiration puis imaginer une identité et un lieu qui reflète une image réelle de l’Inde qui parle aux français.

Quels ont été les défis, mais aussi les belles surprises, de cette collaboration franco-indienne ?
Le défi principal est bien sûr de réussir à travailler ensemble et d’avoir un résultat qui ne soit ni typiquement français ni indien mais bien un mélange des deux, de ce point de vu là, c’est réussi. Globalement, la collaboration s’est bien passée car le processus dans les grandes lignes est le même dans les deux pays : recherche, références, concept, croquis, tests, validation d’une piste, déclinaison… C’est plus dans les références visuelles, les goûts et des questions d’organisation du travail qu’il y a des différences plus marquées mais c’est là l’intérêt du workshop !
Dimension internationale et pédagogie
En quoi ce type d’échange transforme-t-il la pratique du design chez les étudiants ?
Notre métier, qu’on aime le web, la typo, l’illustration est un métier basé sur la curiosité, il est primordial de s’intéresser à beaucoup de sujets, de personnes, de cultures, pour enrichir ses connaissances et sa créativité. Et plus la culture est différente, mieux c’est. L’approche des indiens sur l’usage de la couleur par exemple, des motifs, le fait qu’ils vivent dans un univers multi-lingue et multi-scripts (plusieurs systèmes d’écriture) aide les français à voir le design d’un autre point de vue. C’est primordial quand on est designer que de savoir changer de regard sur les choses.
Quelles compétences interculturelles ou créatives ont émergé de cette expérience ?
La première est bien sûr la langue, le workshop se déroulait en anglais, mais les étudiants ont pu apprendre aussi un peu de français et d’hindi. Comme je le disais précédemment, il y a aussi la découverte de nouvelles références, habitudes, points de vue, méthodes de travail…
Une anecdote que vous garderiez de ces deux expériences ?
À la fin de notre séjour en Inde Milindo Taid, un des responsables de l’école nous a fait un concert de guitare, ses élèves ont chantés pour nous. Et à la fin du workshop en France, un des élèves indien, Ojas, nous a joué quelques morceaux de musiques traditionnelles indiennes au violon.

Que diriez-vous à un étudiant qui hésite à participer à ce type d’échange ?
Je lui dirais qu’il n’y a pas à hésiter. Le fait que l’ECV développe des partenariats à l’international que ce soit avec l’Espagne, l’Italie ou l’Inde est une véritable chance pour les étudiants. Il est capital qu’ils soient curieux, découvrent d’autres cultures, d’autres façons de penser. Pour moi, la curiosité doit être la qualité première des étudiants, le fondement de tout le reste. Et le niveau d’anglais ne doit pas être un frein pour se lancer dans ce genre d’échanges. Le but est aussi de pratiquer son anglais et de s’améliorer en échangeant avec des étrangers.